2,5 millions de personnes, soit près de 5% de la population française, seraient atteintes d’eczéma. Bien qu’assez bénin dans la plupart des cas, l’eczéma peut avoir un impact important sur l’estime de soi et déstabiliser sur le plan psychique : 25% des patients victimes d’eczéma modéré se disent déprimés en permanence1. Explications du docteur Sylvie Consoli, dermatologue.
3 types d’eczéma aux causes multiples
Généralement, le terme d’eczéma renvoie à l’eczéma atopique ou dermatite atopique. C’est le type d’eczéma le plus fréquent. Cette maladie de peau, souvent chronique, évolue par poussées avec des périodes d’accalmies et peut atteindre n’importe quelle partie du corps, y compris le visage et les organes génitaux. Facilement identifiable par les plaques rouges et sèches qu’il provoque sur la peau, l’eczéma est généralement bénin même s’il peut provoquer de fortes démangeaisons assez inconfortables.
Il existe deux autres types d’eczéma plus spécifiques. L’eczéma chronique des mains, qui touche plus souvent les adultes (avec une majorité de femmes) et est souvent aggravé par l’usage de produits détergents. Particulièrement visible car touchant une partie du corps à la symbolique sociale forte, l’eczéma des mains et souvent celui qui est perçu comme le plus handicapant dans la vie professionnelle ou amoureuse. L’eczéma allergique de contact se déclare quant à lui lorsque la peau réagit à des produits allergènes contenus dans les produits de la vie courante : cosmétiques, métaux, vêtements…
L’eczéma est une maladie multifactorielle : sensibilité génétique, facteurs environnementaux et immunologiques. Inutile donc de chercher une solution miracle pour parvenir à guérir de son eczéma, comme l’explique la dermatologue Sylvie Consoli. « L’eczéma est une maladie de peau très répandue. Chacun a donc son avis sur la question, ce qui peut compliquer les choses pour le patient. Il y aura toujours cette grand-mère pour vous rappeler que c’est un mal de famille, cette tante qui attribuera votre eczéma à un simple stress ou cette amie qui vous indiquera de faire la chasse à tous les allergènes possibles… » Si aucun de ces avis ne contient la vérité absolue, ils illustrent pourtant bien les différentes origines possibles de l’eczéma.
Une maladie à l’impact psychologique important
Si l’on pense tout de suite à l’impact esthétique de l’eczéma, nous avons tendance à sous-estimer son retentissement au niveau psychologique. « Ce qui est assez étonnant, commente Sylvie Consoli, c’est qu’à sévérité égale de la maladie, certains patients vont être particulièrement stressés et angoissés alors que pour d’autres, il n’y aura pas de retentissement. Cela peut dépendre de la zone touchée : il est plus difficile d’assumer un eczéma sur le visage que derrière le genou… mais cela vient jouer également avec la perception que nous avons de nous-même. Pour certaines personnes, l’eczéma est tellement honteux ou facteur d’anxiété qu’elles vont se replier sur elles-mêmes, limiter leurs sorties, ne plus oser passer un entretien professionnel, chercher à séduire… »
C’est dans ce contexte que 38% des personnes atteintes d’eczéma sévère – 25% pour celles qui ont un eczéma modéré – s’estiment déprimées en permanence. « Dans la plupart des cas, l’eczéma devient un objet de focalisation du stress ou de l’angoisse. Les personnes vont s’imaginer qu’elles ont loupé un entretien d’embauche à cause de cet eczéma qui, comme par hasard, a été plus important à ce moment-là. C’est une logique qui s’entretient, l’eczéma me fait douter de moi, me déprime, je suis donc plus stressé ou anxieux, je vais avoir tendance à plus me gratter et à stimuler l’inflammation du derme… »
Une psychothérapie pour soigner l’eczéma ?
Qui n’a jamais eu la tentation de réduire l’eczéma à une maladie psychosomatique lorsqu’une poussée se manifeste face à une situation de stress ou une période d’anxiété ? « Bien sûr, stress et anxiété peuvent entraîner une poussée d’eczéma, et des facteurs psychologiques peuvent se surajouter dans son apparition. Cependant, toute personne stressée ou angoissée ne fait pas de l’eczéma ! Réduire uniquement cette maladie à de la psychosomatisation est une erreur », indique Sylvie Consoli.
Cependant, « si l’on a des problèmes psychiques d’anxiété ou de stress récurrent, s’attaquer à ce problème via une psychothérapie ne peut être que favorable au processus de guérison de la maladie », estime Sylvie Consoli. Consulter un thérapeute pourra en effet aider à faire la part des choses : qu’est-ce qui provoque mon stress ou ma déprime ? Est-ce véritablement l’eczéma ou est-ce une raison plus profonde, parfois antérieure à l’apparition de la maladie ? « La psychothérapie peut être très efficace pour repérer les situations où la personne va avoir tendance à se gratter – celles-ci sont souvent exacerbées en cas de stress -, et pour trouver une autre façon d’évacuer la tension. »
Attention cependant, la psychothérapie seule ne peut guérir de l’eczéma, prévient Sylvie Consoli : « Nous ne sommes plus au temps de Freud où un eczéma pouvait se guérir comme par miracle grâce à la lecture psychanalytique de l’histoire d’un patient. La psychothérapie, notamment dans son volet psychocorporel, est bénéfique pour mieux vivre la maladie et améliorer l’observance de son traitement, mais un suivi dermatologique est absolument nécessaire. »